ENTRETIEN. « Nous voulons être à côté du monde artistique pour lui donner les moyens de rayonner »

Musicien — pianiste et claviériste — Michel Mado est président de la Commission Culture du Conseil départemental. 

Lors du discours d’installation de Guy Losbar, président du Conseil départemental, les observateurs ont constaté que la culture, le patrimoine, ne sont pas oubliés et que des actions fortes sont annoncées lors de cette mandature. Dites-nous en plus. 

Il y a un réel engagement pour la culture de la part du président Guy Losbar et de l’ensemble des élus de cette majorité. Et je veux croire, sur ce sujet, un égal engagement de l’opposition. Cet engagement du Conseil départemental part d’un principe, celui de la solidarité avec les artistes de la Guadeloupe, avec les acteurs du patrimoine. Nous avons une autre vision de la culture, des arts. C’est pour nous autre chose que du divertissement et c’est pour cela que nous avons un vrai schéma de concrétisation des industries culturelles. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que nous voyons l’artiste autrement : nous voyons son apport, nous voyons sa contribution à la Guadeloupe et au monde et nous voyons la place réelle de l’art dans la société. De plus, il y a la mission de préservation patrimoniale qui est celle du Conseil départemental. C’est tout naturellement que nous avons fait un axe fort de cette façon de voir. Elle doit avoir le même sens que les actions pour la jeunesse, pour le tourisme, pour l’économie, pour le sport, pour l’insertion. Ce sont des vecteurs forts, il ne peut pas y avoir de patte boiteuse. Je suis très content parce que le président Guy Losbar a voulu mettre lui-même en œuvre cette dynamique qui correspond à ma qualité d’artiste. Comme la culture est déficitaire, on ne s’accorde pas de restrictions, ni de contraintes, ni de complexes vis-à-vis de cela, mais on se donne les moyens d’être à côté des artistes, de l’art et de donner l’exemple, celui de l’accompagnement, après les résidences. C’est un exemple, comme tant d’autres, d’une volonté de mettre à la disposition de tous nos artistes professionnels guadeloupéens les sites patrimoniaux. Et là encore, c’est une volonté de valoriser et d’accompagner, de structurer, d’avoir un vrai schéma départemental. Après, c’est vrai qu’il y a un travail de réflexion avec le Conseil régional qui va nous aider. J’ai envie de dire qu’en fait on tient le bon bout parce qu’il y a cette vraie collaboration entre les milieux artistiques, qu’on entend ses demandes et qu’on souhaite vraiment construire avec lui et pour lui et pour la Guadeloupe. 

On nous a habitués à de grandes déclarations suivies de peu d’effets. Comment allez-vous maintenir cet élan durant toute la mandature ?

Je prends l’exemple de Créations hybrides, qui est le premier projet de cette mandature en termes de culture. Je pense que ce serait me renier que de faire autrement. Je pense que ce serait-rompre ce contrat de confiance, cette vision intelligente que nous avons du pays que de faire autrement avec le président Losbar. Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Concrètement, la volonté qui est la nôtre est d’agir au jour le jour et commencer par cette opération, valoriser le patrimoine mémoriel, immatériel, c’est notre volonté, récolter les témoignages de nos aînés sur des événements clés afin de renforcer cette idée patrimoniale. Nous nous y sommes engagés et ce ne sont pas et ne seront pas des paroles vaines. Ces Créations hybrides en sont le plus bel exemple. Nous aurions pu rester dans ces quatre résidences, mais non, nous voulons aller plus loin, en faire une cinquième et si, en 2024, nous devrons en avoir une sixième, nous n’aurons aucun souci par rapport à cela et nous pourrons aller plus loin encore. Aujourd’hui, la collectivité départementale s’est engagée à réfléchir avec la région, mais aussi au-delà avec les EPCI parce qu’on se rend compte que, des fois ,il y a des cloisonnements dans les réflexions et je pense même qu’il faut y associer les communes, les décideurs culturels, les responsables des affaires culturelles des commune. En fait, il n’y a pas de réel schéma culturel sur le territoire. In a pu le voir dans le passé vouloir créer des lieux de restitution, des salles de spectacles dans chaque commune et en final de compte il n’y a plus de spectacle. Chaque ville veut son festival et en final de compte il n’y a aucun festival.

Aujourd’hui, nous nous sommes vraiment engagés dans cela. Il faut avoir un raisonnement pragmatique, clair, responsable et associer tout le monde autour de la culture et de l’art. Le combat sera de rompre avec l’automatisme qui veut que culture égale divertissement. Le divertissement est un pan de la culture, mais il ne résume pas la culture. J’aime bien faire valoir l’idée de droit culturel et le partager avec la politique du Conseil départemental où nous avons le devoir aujourd’hui d’assumer ce droit culturel, d’offrir cette liberté d’accès, cette démocratisation de la culture, comme on aime à le dire, pour toute la population. Cela passe par être à côté du monde artistique pour lui donner les moyens de rayonner. Ce ne sont pas des promesses que je fais là. Au-delà de l’engagement, c’est aujourd’hui un fonctionnement.

Longtemps, on n’a pas réellement valorisé les sites du Département. On faisait des expositions ici ou là, avec un vernissage qui réunissait toujours les mêmes… et après, l’exposition vivait sa vie, avec quelques visiteurs avant le décrochage… Créations hybrides permet aux artistes des résidences de s’exprimer devant le public. Est-ce que ces lieux patrimoniaux vont être mise en valeur par des expositions, des manifestations culturelles ? 

Nous souhaitons mettre des sites, à savoir le Fort Fleur d’Epée, le Fort Delgrès, Beauport, La Ramée, puis bientôt Beausoleil, à Saint-Claude, Marie-Galante où il y a plusieurs sites du Département, Trianon, Murat, Néron, au Moule, à la disposition des artistes, du monde culturel dans son ensemble. Il n’y a pas de limites pour nous. Avec les communes et les EPCI, nous pouvons encore élargir le nombre de sites à mettre à la disposition de la culture. Ce ne sont pas des sites du Département, des EPCI, des communes : Sé sit a gwadloupéyen ! Les artistes ont le droit, le devoir de s’approprier ces sites. Cela veut dire qu’il faut une logique d’accompagnement : une école de danse, par exemple ou des artistes plasticiens, plutôt que d’aller demander des subventions, des aides en remplissant des dossiers pour avoir un lieu où s’exprimer, auront ce lieu à leur disposition pour leur visibilité. C’est un vrai partenariat que nous leur proposons.

Est-ce que la Guadeloupe aura un jour son musée d’artcontemporain que les Guadeloupéens, artistes comme public, attendent depuis longtemps ? La synergie Région-Département devrait permettre de dégager plus de moyens financiers…

Il y a plus de volonté, c’est sûr. Les moyens financiers, c’est autre chose ! Dire quand, ce serait malhonnête de le dire. Il y a une volonté d’aller vers ce type de structure. Nous avons déjà le fonds d’art contemporain, à l’Habitation Beausoleil, à Saint-Claude. La Région a un projet à Darboussier. Il s’agit pour nous d’harmoniser ces projets ? Nous avons aussi l’idée d’une Biennale d’art contemporain pour laquelle il va nous falloir définir le quand et le cadre. Je pense que c’est une réflexion qui doit être nourrie avec nos artistes. Tout sera mis à disposition afin que la Guadeloupe ait un vrai espace de démonstration des arts contemporains. Il nous faut déjà valoriser Beausoleil et après aller plus loin dans notre réflexion. La volonté est là. C’est une question de fierté, pour le président Guy Losbar et pour moi.